Sans forcer, on tourne à 270 passages à l’heure”. Ils sont trois à millimétrer leurs gestes pour mener à bien la réalisation de 400 pochettes d’un album signé Sylvain Guérineau*, saxophoniste et peintre, auteur du visuel du disque et de sa musique. Ce jour-là, à l’ombre d’un garage aménagé à deux pas de la demeure Yvonne Guégan (Caen), l’artiste range lui-même “son” objet sur les grilles du séchoir. L’encre encore fraîche, sur le carton brut qui sert de support, demande quelques dizaines de minutes de repos avant l’application d’une deuxième couche de couleur.
Ford et Taylor n’ont qu’à bien se tenir, ici on réinvente l’économie ! Elle demande aussi qu’on mouille sa chemise mais il n’est pas question de productivité, ni de rendement et encore moins de minutage des tâches. Ici, on choisit son rythme. L’équipe mobilisée prend le temps d’accompagner, d’expliquer, de montrer et de corriger. Car à l’Encrage, atelier associatif de sérigraphie, le client n’est pas client, il est adhérent. Soutenu par une petite troupe de bénévoles, celui ou celle qui en appelle à l’Encrage participera à l’impression de son affiche ou de son œuvre. S’il connaît la technique, il pourra même sérigraphier en totale autonomie. On parle alors chez les porteurs et animateurs du projet “d’économie solidaire et d’éducation populaire”. Deux préceptes qui se vérifient avec les déplacements de l’atelier vers les établissements scolaires dans le cadre de projets pédagogiques. “Nous proposons des stages d’une semaine, avec les enfants nous n’utilisons que des encres à l’eau”.
C’est le principe de cette sympathique structure née en 2005 sous l’impulsion de Gérard Vaugelade de l’Ardes (Association régionale de l’économie sociale et solidaire). À l’époque, il a vent de la menace qui pèse sur un atelier de sérigraphie d’un Centre social hérouvillais (14). Déterminé à le sauver de la benne, il lance par mail un appel au sauvetage qui rapidement trouve un écho dans le milieu culturel. “Avec une association, nous permettons un accès à ce matériel que pas mal de gens ont approché (notamment dans le cadre des cycles d’étude des Beaux-Arts) mais qu’on ne peut avoir ensuite chez soi à moins de sacrifier un étage de sa maison !“ explique le président, Karl Laurent. Si le matériel est somme toute assez simple, il n’en est pas moins encombrant : table à insoler, écrans de différentes tailles, tables et carrousel de tirage, séchoirs, sans oublier les raclettes, colorants et solvants demandent de l’espace et une bonne ventilation pour dissiper les effluves des différents produits. Mieux vaut pratiquer dans un local dédié à ce mode d’impression.
À l’exception des affiches et tracts de partis politiques, “on fait ce qu’on veut” à l’Encrage. Le milieu associatif, les artistes sont les premiers à manifester un grand intérêt à cette opportunité de réaliser des affiches, de reproduire des œuvres avec une belle qualité (bien supérieure aux tirages numériques !) et pour une somme modique. “Il suffit d’adhérer à l’association*, ne sont ensuite facturés que les encres, produits de nettoyage ainsi qu’une part d’amortissement d’usure du matériel” souligne le président.
C’est ainsi que la réalisation de 400 pochettes d’album sérigraphiées (en trois couleurs) représente un coût inférieur à 80 euros ! À bon entendeur…
L’ENCRAGE, ATELIER ASSOCIATIF DE SERIGRAPHIE
14000 Caen - Tél. 06 75 37 64 22
* Plus d’infos sur :
http://sylvainguerineau.free.fr
“Le jaguar de Questembert” |
Les commentaires
|