C’est en nocturne qu’il avance. Il jette son dévolu sur un pan de bitume, un bout de mobilier urbain et le peint jusqu’aux premiers rayons de soleil. Puis retourne à son atelier. Ce n’est qu’après le séchage de son œuvre ainsi déposée au spectacle du citadin que Thierry retourne sur les lieux et immortalise d’un cliché ce nouvel amas de bulles fraîchement éclos.
L’ancien élève des beaux-Arts de Caen a passé un temps en hospitalisation d’où il sortira une fascination pour “la représentation scientifique et médicale du corps, ses structures et ses formes de développement”. Le jeune homme commence en 2002 par peindre une toile étrange à la limite de l’organique. Des cercles pullulent. À l’infini. C’est alors le début d’une curieuse épidémie. La plupart de ses peintures ne sont que répétition d’un même motif. “C’est avant tout la quête permanente d’une position indépendante dans une société uniformisée de modes et de tendances, où l’on a de plus en plus de mal à distinguer le singulier, le personnel, le dedans”.
Puis la représentation de prolifération de cellules se systématise, jusqu’à grignoter son atelier depuis le sol jusqu’au plafond. Les molécules à l’acrylique ont même commencé à déborder de cet espace étriqué. “J’avais tout peint chez moi et comme je suis extrêmement productif, il me fallait un autre moyen de m’exprimer”. Sur un rond-point d’abord (janvier 2007), le pied d’une barrière ensuite, une borne d’incendie, sur le pourtour d’une bouche d’égout en passant par quelques poteaux électriques.
“À la limite entre l’abstraction et la figuration, mes peintures se développent dans un rapport de tension entre le minuscule (le microcosme) et le monumental (macrocosme)”. Cette contamination des rues s’offre aux regards fureteurs car l’acrylique s’altère rapidement à force de passages et d’intempéries. Cette implacable progression moléculaire se dessine sur un plan de la ville lui aussi en acrylique. Mais personne ne sait, pas même son auteur, ce qui stoppera ce virus d’un genre nouveau : le premier à être visible.
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